ARCHIVES DE NOVEMBRE 1997

 

Canard Enchainé du 5 Novembre1997

"Fausses factures", "triche", "versements occultes"
Depuis quelques semaines, un vilain linge sale commence à être déballé sur la place publique par plusieurs militants du Front national. Même les menaces d'exclusion du parti et de procès en diffamation agitées contre les bavards par l'état-major de Le Pen n'ont pas suffi à ramener l'ordre dans les rangs. Philippe Evrard, candidat du Front national aux dernières législatives dans l'Oise et tête de liste à Chantilly lors des municipales de 1995, a ainsi raconté de drôles de choses au journal "L'Oise Hebdo". A l'écouter, le parti "mains propres et tête haute" aurait utilisé sa candidature pour se faire rembourser par l'Etat une série de dépenses électorales fictives. Evrard affirme ainsi avoir été contraint de prendre en charge dans son budget électoral, présenté à la commission nationale des comptes de campagne, des dizaines de milliers de tracts qui n'ont jamais existé. Il raconte également s'être vu imposer par la fédération départementale de son parti une facture de 39 138 F d'une société KP Phone, pour l'achat de onze slogans électoraux poétiquement rebaptisés "messages catégoriels" dans le jargon commercial du Front. Evrard certifie pourtant n'avoir jamais passé pareille commande ni avoir jamais lu ou entendu le moindre de ces slogans à 3 558 F pièce. Et impossible de savoir à quoi ressemblent les fameux "messages catégoriels" : contactés par "Le Canard", Jacques et Karl Prost, responsables de KP Phone et militants du Front, refusent de divulguer le moindre échantillon de leur production. En tout cas, ce petit commerce est des plus crémeux : du propre aveu de ses dirigeants, KP Phone (qui a fait également de la retape téléphonique pour les candidats FN) a réalisé un bénéfice de 3 millions pour un chiffre d'affaires de seulement 4 millions lors des municipales de 1995. Soit 75 % de rentabilité... Qui dit mieux ? Le plus drôle, c'est que les Prost accusent à leur tour le Front national de les avoir plumés. Comme l'a révélé "Le Parisien", ils assurent avoir dû donner en liquide à la direction du parti une "avance de trésorerie de 870 000 F". Ils n'ont, pour l'instant, pas montré les preuves de ce versement et répondent aux journalistes qu'ils en réservent la primeur à la justice. Toujours selon eux, ces 870 000 F versés en 1996 n'auraient jamais été remboursés. En réalité, ils auraient servi à alimenter en sous-main les caisses d'un bureau d'études contrôlé par des dirigeants du Front. De leur côté, les grands chefs du FN crient à la calomnie et jurent que leurs comptes sont tout à fait transparents. Ils affirment que leur candidat de l'Oise, Philippe Evrard, n'a reçu des factures que pour des fournitures librement commandées et effectivement livrées. Dans "Le Parisien", ils assurent aussi qu'ils ne doivent pas "un centime" aux Prost, et que la société de ces derniers ne leur a pas versé d'"avance en liquide". Le trésorier du parti, Jean-Pierre Reveau, a également confirmé au "Canard" avoir déposé contre les Prost une plainte pour diffamation. Il n'empêche : Jacques et Karl Prost ont déjà annoncé qu'ils allaient saisir le procureur de Melun. Avec l'espoir avoué de voir bientôt la justice fourrer son nez dans le tiroir-caisse du Front...
Jacques Bompard, le maire FN d'Orange,
a fait placarder la semaine dernière sur les panneaux municipaux deux affiches qui mettent nommément en cause et insultent même deux journalistes locaux de "La Provence". Ces délinquants avaient osé reproduire les statistiques officielles de la police nationale, lesquelles font état d'une recrudescence de la violence à Orange depuis 1995, c'est-à-dire somme toute depuis l'arrivée de la municipalité FN. C'est vrai qu'un discours du maire, c'est une voie de fait à soi tout seul.

En réponse, au cours du conseil municipal du 16 octobre, Bompard a tenté de rassurer ses électeurs. L'augmentation de la délinquance dons sa bonne ville, a-t-il expliqué, n'est due qu'à une interprétation malhonnête des chiffres. En réalité, a-t-il poursuivi, cet occroissement a deux raisons : primo, les délinquants avouent plus facilement leurs délits qu'auparavant (sic) ; secundo, la police a réalisé d'énormes progrès dans la rédaction des procès-verbaux. "Avant ce n'étaient pas des pros de la dactylogrophie", a même affirmé Bompard. S'il veut dire que les nouveaux savent taper, on espère que c'est seulement sur leurs claviers !


Jean-Marie Le Chevalier
entretient un épais mystère autour de la "Fête de la liberté du livre" qu'il organise pourtant dans une dizaine de jours sur la place de la Liberté de Toulon. Lors de la conférence de presse qu'il a donnée lundi à ce sujet, il a refusé de dévoiler la nom des auteurs, des éditeurs et des libraires qu'il a - ou espère avoir - convaincus de venir. "Ces écrivains sont des indépendants", a juré le député-maire. Et leur audience, très marginale ?


En attendant,
sept libraires toulonnais ont choisi de bouder la fête de Le Chevallier. Et préféré rallier la "Fête du livre en liberté", organisée au même moment par le conseil général UDF du Var. La Chevallier a feint de n'en avoir cure et, sur sa lancée, a tenu à préciser qu'il n'éprouvait "aucune sympathie pour les régimes fasciste et nazi (...)" : "Je trouve mes références politiques plutôt chez les Capétiens." Ça fait plus cultivé que chez Jean-Marie Le Bel ?


 

Canard Enchainé du 12 Novembre 1997

Rien pour la prévention,
tout pour la répression ! La politique lepéniste en matière sociale peut se lire en un saisissant raccourci dans deux pages de l'hebdo professionnel "Actucilités sociales hebdomodaires" (24/10), où l'on trouve pas moins de 12 personnes virées de lamairie de Vitrolles : directrice de maison de quartier, animatrice prévention, cadre socio-éducatif, secrétaire de direction, agent d'entretien, secrétaire d'accueil, etc., tous virés ! Parfaite logique FN : on commence par casser tout ce qui maintient vivant le tissu  social, du coup la tension monte et on finit par embaucher des flics municipaux...
C'était la plus célèbre plaisanterie de Toulon :
désigner par le sobriquet de "Cul-vers-ville" la statue de bronze érigée au siècle dernier sur le port, l'index pointé vers la mer et tournant le dos à la terre, représentant l'anonyme "génie de la navigation" dans son plus simple appareil. Le maire lepéniste Le Chevallier ne l'a sans doute pas encore comprise : plutôt en panne de grands projets ces derniers temps, il s'est mis en tête de déplacer la statue d'une centaine de mètres afin de la recaler à l'emplacement initial, fixé par "décision du gouvernement de Louis-Philippe". Et, pour l'inauguration, prévue ce samedi, il a carrément dégotté un comte et une comtesse Cavelier de Cuverville... qui n'ont bien entendu rien à voir avec le surnom de Cul-vers-ville. Rigolade générale garantie ! Pour un moire qui aime tant cultiver l'authentique, une telle méprise a de quoi laisser sur le cul... Lors du dernier conseil municipal, il lui fallut donc plier sous les assauts d'une opposition hilare et renoncer à ce que la ville paie les 5 000 F de défraiement du couple de nobliaux, qu'il devra régler de sa poche. Un conseil : il devrait aussi dégotter en vitesse un marquis de Vivermer, Vit-vers-mer étant l'autre surnom du fameux bronze...

 

Canard Enchainé du 19 Novembre 1997

Il l'a fait !
Jean-Marie Le Chevallier a inauguré samedi dernier le nouveau socle de la statue de Cuverville, "Génie de la navigation", et petit chouchou de la population toulonnaise depuis un siècle et demi, en présence du comte et de la comtesse de Cuverville, descendus de leur Morbihan natal pour assister à l'événement (voir "Le Canard", 12/11). Visiblement heureux de ce séjour ensoleillé offert par le maire de Toulon, le couple de nobliaux a gentiment laissé leur hôte se noyer dans ses divagations historiques : selon lui, en effet, la statue, fondue en 1847 dans le bronze, doit son sobriquet au vice-amiral Cavelier de Cuverville, en poste à Toulon en 1896... soit un demi-siècle plus tard ! Et voilà comment un gag populaire se transforme en ridicule opération politicienne. Il y a des coups de pied à la particule qui se perdent.
Boudée par le public,
la "Fête de la liberté du livre" organisée à Toulon par Le Chevallier a quand même coûté 1,5 million de francs aux contribuables toulonnais. Et tout cela pour voir le ban et l'arrière-ban de l'extrême droite écrivante parader au bras de Cendrine, l'épouse du maire de Toulon, devant Bruno Mégret, l'époux du maire de Vitrolles, qui n'a pas encore les moyens de s'offrir pareille danseuse. Amine Gemayel, l'ex-président de la République libanaise, qui devait venir - promis-juré -, a sagement boudé la manifestation. Seule invitée de marque : Maïté, la cuisinière des Mousquetaires, venue casser du sucre sur Jean-Pierre Coffe, traité de "fort en gueule"et d'"incapable". Encore un qui pourrait bien passer sous le hachoir...

 

Canard Enchainé du 26 Novembre 1997

Qu'on fait le maire consort et le premier adjoint de Vitrolles ces jours-ci (24-25/11) ?
Du tourisme, à Anvers, à l'invitation du Vlaams Blok, parti facho flamingant et farouchement antifrancophone. Sa devise est "Belgie Borst" ("Belgique crève !"), son rêve est de créer avec les Pays-Bas une "Grande Neerlande", et il est partisan d'une amnistie inconditionnelle des collaborateurs durant l'Occupation nazie. Ils sont sympas, les nouveaux amis des Vitrollais.
On s'aime, au Front.
Jean-Pierre Albertini, conseiller municipal toulonnais, est candidat à l'investiture de son parti dans le canton du centre-ville. Mais un autre frontiste, Dominique Michel, qui part favori, a taquiné son concurrent en lui demandant son soutien. Une semaine plus tard, il receva une réponse de trois feuillets furibards. Extrait : "Vous savez fort bien que ce n'est pas avec une chaleur humaine comparable à celle d'un poisson pané surgelé que l'on peut entrainer derrière soi l'affection des couches populaires (...). Ce ramassis de mots racoleurs, ce violon défaitiste et pétochard, à la fois obséquieux et hypocritement mielleux, constitue un aveu flagrant de votre impuissance politique et technique." Le front à Toulon, c'est tête haute et croc-en-jambe !
Oh la jolie combine !
Le directeur de Jeunesse toulonnaise, un ex-permanent lepéniste mis en place par Cendrine Le Chevallier, avait trouvé un habile moyen de renflouer les caisses de son association sur le dos des contribuables toulonnais : en revendant à prix bradé - 300 000 F - le rafiot "Ville-de-Toulon", propriété de l'association, acheté 500 000 F voiles et équipements compris au printemps dernier pour participer ou Tour de France à la voile. L'acquéreur contacté ? Daniel Pradel, skipper attitré du bateau, président d'une toute nouvelle association créée exprès pour l'occasion. Dans ce scénario, la municipalité bonne pâte, après avoir donné des sous à Jeunesse toulonnaise pour devenir propriétaire du voilier, débourserait une nouvelle subvention qui permettrait à Pradel de racheter le "Ville-de-Toulon" tout en aidant Jeunesse toulonnaise à rester à flot. Seuls perdants : les Toulonnois, qui mettraient deux fois la main à la poche pour payer l'esquif. Le secrétaire général, dans une "note" au maire, l'a informé que la justice trouverait sûrement à redire à ce type de "combinazione". Et du coup l'affaire est (pour l'instant) à l'eau !