ARCHIVES DE JANVIER 1998

 

 

 

Canard Enchaîné du 7 Janvier 1998

Il y en a qui se montent vraiment le bourrichon, au Front!
Fernand Le Rachinel, un des imprimeurs préférés de Le Pen (lors de la dernière présidentielle, celui-ci l'avait chargé de l'impression de la totalité de ses professions de foi), patron entre autres des Presses bretonnes de Saint-Brieuc, de Sial Imprimerie à Saint-Lo, de Saint-Barth-Offset à Saint-Barthélemy, et par ailleurs conseiller général de la Manche et député européen lepéniste, vient d'envoyer sa carte de voeux à ses amis et clients, où il se présente en grand uniforme (Ferdinand 1er). Suit ce texte : "Après tout... pourquoi pas ! ? Puisque la France, qui fonce droit dans le mur tout en klaxonnant, va bientôt être à ramasser avec une petite cuillère." Et l'histoire du type qui repeint son plafond, il la connaît ?
La municipalité toulonnaise
vient de confier l'ensemble des activités "jeunesse" de la commune à l'association Jeunesse toulonnaise, montée de toutes pièces par Cendrine Le Chevallier, l'épouse du maire, qui veut encadrer de très près les loisirs des chères nattes blondes de son territoire. Mais, à en croire le secrétaire général de la mairie de Toulon (qui une semaine avant Noël en a fait part au maire Le Chevallier dans une note confidentielle), la Ville aurait pu économiser dans les 8,5 millions de francs si elle avait municipalisé ces activités, et du coup les contribuables toulonnais auraient pu voir leurs impôts locaux baisser de 13 %. Mais quand on aime on ne compte pas...

 

Canard Enchaîné du 14 janvier 1998

Un ancien du Le Pen club prend la plume
Si les vicissitudes ne l'avaient conduit à étudier le droit, le petit Jean-Marie aurait fait danseur classique. Il a même d'ailleurs longtemps porté une admiration maladive à Serge Lifar. C'est l'un des nombreux points de détail de la vie de Le Pen décrits par son ancien conseiller Lorrain de Saint Affrique, et injustement marouflés par l'affaire de la rencontre virtuelle avec Bernard Tapie.

De fait, vue par le Saint-Simon de service, cette chronique de la vie quotidienne à Saint-Cloud sous Jean-Marie Ier vaut son pesant de cacahuètes. On y apprend ainsi que, tel Louis XIV, Le Pen recevait souvent les invités dans son lit, et parfois même dans sa salle de bains, ce qui prouve qu'il est plus soigné que le Roi-Soleil.

La cour n'est pas vraiment mieux traitée à Saint-Cloud qu'à Versailles. Tel baron de la Lepénie se voit, ainsi, demander de ramasser une crotte que le doberman avait négligemment posée dans une allée de la propriété. Telle élue FN adulée par les militants se voit traitée de "vieille chèvre grecque".

L'homme, il est vrai, est un maniaque de la provoc'. En pleine controverse sur la torture, Le Pen confie à son futur mémorialiste qu'il a gardé une "magnéto" dans sa cave. Avant sa première sortie sur les chambres à gaz, il prend soin de se faire recevoir par le Congrès juif mondial. Et lorsque Pierrette, son ancienne épouse, annonce urbi et orbi la rupture, il lâche à ses proches que si tous les cocus de France votaient pour lui il serait vite président de la République.

Bref, sans les racistes et anciens collabos qui l'entourent, sans ses dérapages verbaux et son programme exécrable, Le Pen apparaît plutôt sous les traits d'un beauf rigolard que sous ceux d'un chef facho. Mais il y a aussi les pratiques, les idées, et la haine qui suinte de chacun de ses discours. Et malgré tout ça Le Pen continue à être très fréquentable pour nombre de démocrates. Saint-Affrique égrène ainsi la liste des personnalités aux yeux desquelles le chef du FN trouve toujours grâce : Jacques Dominati, adjoint au maire de Paris et ancien ministre de Giscard, Robert Pandraud, ancien ministre et ancien directeur de cabinet de Chirac, Balladur, qui a littéralement déroulé le tapis rouge pour recevoir Le Pen à Matignon.

Et, avec la perspective des régionales, la liste ne demande qu'à s'allonger.


Depuis le 2 janvier,
les Toulonnais ont le nez dans les poubelles : les éboueurs sont en grève. Ils se plaignent des conditions de travail imposées par leur nouvel employeur, la société anonyme Polyurbain, à qui Le Chevallier vient de confier le marché des ordures ménagères pour les six prochaines années, son offre ayant été la plus avantageuse. Mais, pour rogner son devis, l'entreprise a prévu de diminuer le nombre de tournées de ramassage dans les quartiers excentrés et de chambouler les horaires du personnel. Les éboueurs en veulent terriblement au maire lepéniste de ne pas les avoir consultés lors de la rédaction du cahier des charges, et de vouloir faire régner "la propreté sur tous les fronts" - slogan placardé sur les poubelles publiques toulonnaises - sur leur dos. Pour le moment, c'est plutôt la "saleté partout" !
Ce conflit aurait pu être réglé plus rapidement
si Le Chevallier, qui affronte ici son premier conflit social, ne s'était empêtré dans ses communiqués. Le premier jour de la grêve, il "reconnaissaient" les revendications des éboueurs "légitimes", intimant l'ordre à la Polyurbaine de "trouver un accord" ou bien de "renoncer au marché". Six jours plus tard, ses militants distribuaient une lettre du maire assimilant le mouvement des éboueurs à "une grève visant à avantager les grands monopoles capitalistes". Carrément ! Du coup, les poches pleines de pétitions de soutien remplies par la population, les 120 salariés, dont certains votaient FN sans complexe avant ce conflit, ont crié "Front national antisocial !" pendant des heures, lundi, sous le balcon de l'hôtel de ville. La vérité sort de la bouche des éboueurs...

 

Canard Enchaîné du 21 Janvier 1998

Festival d'exquises déclarations,
dimanche dernier, à la tribune de la convention lepéniste. Entre autres perles, Pierre Descaves, chef de file en Picardie : "A notre époque, où il nous est démandé d'entrer en résistance, j'observe que sur les autres régions nous avons un temps d'avance. Pour ceux qui en douteraient, je leur conseille d'observer les lettres initiales de nos trois départements : Oise, Aisne, Somme." Et les bombes, c'est pour bientôt ?

Jean-François Galvaire,
chef de file du FN en Poitou-Charentes, à la même tribune : "L'immigration pèse déjà sur Châtellerault, sur Poitiers. Elle pousse vers Angoulême. Elle menace à Niort. A La Rochelle, elle est cyclique, elle sort des égouts au moment des Francofolies quand drogués et rappeurs, pillards et hip-hoppeurs font rentrer les braves gens chez eux et baisser les rideaux des magasins." Et elle inspire toujours autant les têtes à cloaque !


Jacques Bompard, maire lepéniste d'Orange,
vient de supprimer le service de bus qui jusqu'alors transportait gratuitement une vingtaine de gamins vers les centres de loisirs de la ville : les pauvres n'ont qu'à avoir les moyens de se payer leur ticket ! Dans la même veine, il a décidé de réduire de moitié le nombre d'heures de travail des vacataires municipaux, auxquels il est "vivement conseillé", de surcroît, de chercher du travail ailleurs. La CGT ayant protesté, un communiqué de la mairie précise que cette organisation est "dirigée localement par Mme Halcotis", sous-entendu : ces étrangers viennent même manger le pain de nos syndicalistes... Vite, un charter pour la CGT !

Pour mettre un terme à la grève des éboueurs qui s'éternise
("Le Canard", 14/1), le maire lepéniste de Toulon a soutenu, par avocat interposé, devant un juge des référés, la demande d'expulsion des 110 grévistes de leur lieu de travail. Il est même allé plus loin en repoussant la demande d'un "médiateur", une solution qui avait pourtant l'aval des salariés et de leur employeur. Le président du tribunal de grande instance lui a donné lundi satisfaction sur toute la ligne. Du coup la négociation est dans l'impasse, et personne ne sait comment sortir du conflit. Au parti de l'ordre, on s'y entend pour semer le désordre.

 

Pour se faire embaucher à Jeunesse toulonnaise,
l'association créée par Cendrine Le Chevallier, épouse lepéniste du maire lepéniste de Toulon, et qui gère les centres aérés, mieux vaut ne pas être à droite. Mais à l'extrême droite. Cendrine Le Chevallier vient en effet de mettre son veto à l'embauche d'une personne jugée trop proche de l'ancien maire UDF François Trucy. Et demande au directeur de cette association de "pourvoir les postes manquants" en priorité "par des employés sympathisants du Front national". Il n'est pas encore question de faire défiler les enfants des centres aérés toulonnais au pas cadencé, mais c'est tout juste !


 

Canard Enchaîné du 28 Janvier 1998

Une petit coup de provoc' pour lancer la compagne des régionales :
Bruno Mégret, maire consort de Vitrolles, a bien assimilé les méthodes du boss. Et lancé en fanfare son idée d'offrir une prime de 5 000 F pour chaque bébé né de parents vitrollais "français ou européens", histoire d'encourager les Gaulois à procréer. Mais, en toute logique, les Français d'origine immigrée, notamment les beurs, y auront droit. Le constat est donc implacable : le Front national encourage la multiplication des beurs. Est-ce bien raisonnable ?
A l'époque des faits,
il était encore le patron du FN en Maine-et-Loire. Depuis, on il, discrètement débarqué (en novembre dernier). Le dimanche 9 février 1997, comme le reconte "Le Courrier de l'Ouest" (23/1), des inspecteurs du travail constatent la présence de six étudiantes en train de travailier dans le magasin de vêtements Rousso à Saumur. Se disant bénévoles, elles finissent par avouer toucher au noir de 150 à 200 F pour 4 heures de travail. Leur employeur, Marc Lyoen, déjà condamné pour une affaire similaire (aujourd'hui en appel), a été mis en examen jeudi 22 janvier pour travail clandestin et subornation de témoins. A force de distribuer des leçons de marche à la terre entière...
La municipalité lepéniste d'Orange envisage de dresser un mur de 2 mètres de hauteur autour d'un camp de gens du voyage installé non loin du centre-ville, annonce "La Provence" du 24 janvier. Bompard ferait aussi équiper ce camp de sanitaires. Mais pas de miradors en vue dans l'immédiat...

Zizanie au FN de Mulhouse !
Neuf responsables lepénistes dont cinq conseillers municipaux viennent de claquer la porte du parti à la "tête haute". Ecartés de la liste régionale, ils l'accusent d'être un parti comme les autres, où l'on se déchire pour les places" ("Le Figaro", 27/1). Et l'un d'eux dénonce la "dérive totalitaire" du Front. Ils croyaient peut-être appartenir à un parti extrêmement démocratique ?