ARCHIVES DE DECEMBRE 1997

 

 

 

Canard Enchaîné du 3 Décembre 1997

C'est le genre de petits signes discrets qu'ils adorent...
Dans son tract électoral pour les élections municipales anticipées de Pontoise, qui ont eu lieu le 24/11, la candidate lepéniste Marie-Thérèse Philippe (membre du comité central du Front) affichait sa devise : "Notre honneur s'appelle fidélité." Si ça ne vous dit rien, ça parle beaucoup aux lepénistes : c'était la devise des Waffen SS, qu'ils gravaient notamment sur leurs poignards et au fronton de leurs monuments funéraires. Il ne reste plus à Le Pen qu'à prouver que ce sont les SS qui ont copié le Front national.
A Toulon, les cantines scolaires, la collecte des ordures ménagères et l'eau sont déjà sous gestion privée.
Le Chevallier veut y ajouter... la jeunesse. La délibération est prête. Elle sera présentée au prochain conseil municipal. Les colonies de vacances, les classes transplantées, les activités du mercredi après-midi, tout cela devrait être confié à "Jeunesse toulonnaise", l'association fondée par Cendrine Le Chevallier. Le budget alloué pour 98 est colossal : 18 millions de francs. Cette perspective n'est pas du goût de l'Etat. Dans un courrier officiel (et confidentiel) adressé à Cendrine Le Chevallier, la direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes l'informe que non seulement sa délégation de service public sera recalée en préfecture, mais qu'en prime elle pourrait "être poursuivie pour tentative d'octroi d'avantage injustifié". Qu'un maire subventionne abondamment l'association de son épouse aux dents longues, et lui refile ce qui relève du service public, c'est exactement le genre de manoeuvres douteuses que les lepénistes reprochent aux "politiciens". Ils apprennent vite...
Ces travailleurs chrétiens sont étonnants.
Dans l'Hérault, c'est un grand ami des lepénistes, Charles Galtier, pourtant en voie d'exclusion de ce syndicat, qui se présente sous la bannière de la CFTC section agriculture aux prud'hommes. A Toulon, un des juges prud'homaux de la CFTC, Gérard Gautier, est adjoint de Le Chevallier à la mairie. Tandis que Pierre Raysseguier, le patron de l'union départementale CFTC du Var, a ses entrées à la mairie frontiste (il est administrateur de "Jeunesse toulonnaise") et qu'un membre important du Front sur Toulon siège aux Assedic comme commissaire sous l'étiquette CFTC. Il n'y aurait donc pas que les flics CFTC qui seraient noyautés jusqu'au trognon par l'extrême droite. Pas très catholique, tout ça...

 

Canard Enchaîné du 10 Décembre 1997

Quand on en fait beaucoup, on risque d'en faire parfois trop...
Daniel Herrero, seul ex-rugbyman multimédia de France capable d'intervenir tous azimuts sur tous les sujets avec un bagout à la Tapie (avant silence radio), vient de sortir un bouquin destiné aux "minots qui n'ont pas de mauvais sang dans le coeur mais se lancent par dépit et colère sur une mauvaise route" : "Petites histoires racontées à un jeune du Front national" (éditions du Rocher). Pourquoi pas ? C'est court (147 p.), écrit gros, on y trouve une quinzaine d'histoires vécues, ou entendues, plutôt convaincantes, qui tapent juste et ne manquent pas, parfois, de subtilité. Mais pourquoi, emporté par son élan missionnaire, le petit-fils d'immigrés espagnols et fils de militant communiste qui a grandi à Toulon a-t-il éprouvé le besoin d'aller défendre ses idées dans le furibond quotidien d'extrême droite "Présent" (2,12) ? Au long de deux pages d'interview, il finit par glisser le genre de phrase qui fait toujours plaisir à un facho : "Je pense qu'on arrive à un seuil de saturation, effectivement", ou "un petit voyou, si je l'attrape dans mon jardin, moi, Daniel Herrero, en train de me faucher ma caisse,  je lui fracasse le crâne d'un grand coup de pastèque, tu vois, à l'ancienne." Même un malabar de la mêlée peut s'emmêler les pinceaux !
Dix après, il remet ça et affirme que les chambres à pages et les chambres à gaz ne sont que détail :
c'est vraiment Jean-Marie Le Bègue ! Argument selon lui imparable : "Si vous prenez un livre de prenez un livre de mille pages sur la Seconde Guerre mondiale qui fit 50 millions de morts, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz occupent 10 à 15 lignes. C'est ce que l'appelle un détail" ("Libé", 6/12). Mois si vous prenez un livre de mille pages sur le XXe siècle, Jean-Marie Le Pen n'y figure même pas, c'est ce qui s'appelle un zéro pointé !

Bien attrapés, les employés communaux de Toulon qui ont officiellement pris leur carte au FN : Le Chevallier vient de modifier le calcul d'attribution de la prime de fin d'année. Désormais, cette prime tiendra compte des "absences liées à la maladie ordinaire". Y compris la paranoïa, qui fait tant de ravages dans les rangs du FN ?


 

Canard Enchaîné du 17 Décembre 1997

Pareilles excommunications au parti de l'ordre, ça fait désordre !
Le maire lepéniste de Toulon vient de virer avec pertes et fracas son conseiller Jean-Pierre Albertini ("Le Canard", 26/11) : exclusion du groupe, passage devant la commission de discipline du parti et licenciement de la fédération varoise du Front national, où il jouait le rôle d'attaché de presse. Tout ça pour avoir traité dans un nouveau courrier personnel Dominique Michel, un autre élu lepéniste toulonnais, de "mercenaire politique à l'attitude stérile et couarde". Dans un précédent envoi, il lui prêtait "une chaleur humaine comparable à celle d'un poisson pané surgelé". A force d'envoyer trop loin le bouchon, c'est finalement Albertini qui se prend une sacrée dégelée !

Marie-Thérèse Philippe, cette élue lepéniste de Pontoise qui a la même devise que les SS ("Le Canard", 3/12),
passera prochainement en correctionnelle : début novembre, entre les deux tours de l'élection municipale partielle, elle conduisait sa voiture trimballont quatre colleurs d'affiches, quand elle vit cinq ou six voitures de police arrêtées sur le bos-côté. Du coup elle brûla fort intelligemment un feu rouge ! On la contrôla illico, et un pistolet à grenaille (une arme pas vraiment inoffensive, de 4e catégorie) fut découvert dans sa boîte à gants. C'était évidemment, à l'en croire, la première fois qu'elle l'emportait. En plus, il paraît que c'est un canon !

Bruno Mégret aurait dû tourner sa langue dans sa bouche
le lendemain de l'agression commise à Vitrolles contre un barrage de chauffeurs routiers en grève. Le 6 novembre, il feignait de déplorer : "Quand de salariés d'une entreprise force un barrage de routiers dans la zone industrielle de Vitrolles, on dit que c'est le Front national. Eh bien non ! Lorsqu'il pleut à Vitrolles, le Front national n'y est pour rien." En fait de "salariés d'une entreprise", la mise en examen de trois des responsables présumes a permis, le 13 décembre, de constater qu'il s'agissait d'un maire adjoint et de deux employés municipaux de Vitrolles. L'un d'eux, Patrick Bunel, un ancien du DPS (la garde prétorienne du FN) de Normandie, est resté deux ans chauffeur de Bruno avant d'être embauché par Catherine Mégret comme chef des services de sécurité de la mairie. L'autre, Yvain Pottiez, est déjà un vieux client des médias. Auteur reconnu de plusieurs agressions contre des journalistes, il a passé trois semaines à la Santé en 1993 pour avoir participé au tabassage de responsables syndicaux étudiants. Bref, quand il pleut des cordes, ce n'est pas forcément la faute du FN. Mais quand il pleut des coups, c'est souvent lui

 

Canard Enchaîné du 24 Décembre 1997

Plus qu'une mauvaise habitude,
ça devient une sale manie : les communiqués de presse de la mairie de Vitrolles sont systématiquement envoyés depuis le fax du service de presse du siège national du FN, à Saint-Cloud. C'était bien la peine de débaptiser la ville pour la réenraciner dans son identité provençale. Ce n'est pas Vitrolles-en-Provence, c'est Vitrolles-sur-Seine !
Même la main dans le sac,
ça n'est jamais leur faute. "La Lettre du maire" de Vitrolles s'insurge sur deux pages contre la "scandaleuse machination" qui a abouti à la mise en examen d'un adjoint et de deux employés municipaux au lendemain de l'agression contre un barrage de chauffeurs routiers en grève. S'ils étaient présents sur les lieux, c'est uniquement parce qu'"ils avaient été alertés d'un incident pouvant avoir des conséquences graves". Evidemment. Et "s'ils ont été reconnus, c'est bien qu'ils ne participaient pas à l'agression dont on les accuse" ! Imparable. il ne s'agit donc, une fois de plus, que de "diffamations médiatiques". Si tous les casseurs se mettent à faire comme ces trois lepénistes, au lieu de dire : "On va casser du flic et des bagnoles", ils diront : "On se paie une petite diffamcition médiatique" ?
Ça l'a pris soudainemant,
en plein conseil municipal (19/12) : le maire de Toulon a décrété qu'il allait "armer la police municipale". Et son adjoint Bertrand Badorc en a donné la raison officielle : selon lui, "après 19 heures, il ne reste dans les rues de Toulon que des truands armés jusque aux dents", ce qui relève évidemment de la parono. En fait, la décision de Le Chevallier n'a qu'une seule explication : le ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, venant d'annoncer qu'il allait désarmer les policiers municipaux, il s'est brusquement aperçu que les 70 siens ne portaient pas d'armes. Et qu'il perdait une occasion de jouer les martyrs le jour où il faudra les désarmer. Or, jouer les martyrs, c'est un tel plaisir...